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8 février 2008

Les Adieux à la Reine - 2

Autre extrait des mémoires fictionnelles de la lectrice de Marie-Antoinette...

"J'en suis convaincue - et ce ne sont pas les dernières images que j'emporterai de ce monde qui pourraient me persuader du contraire-, l'humanité ne progresse pas. Elle redispose autrement, selon d'autres convenances, d'après des aspirations différentes. Le système de la hiérarchie des castes avait ses défauts, mais celui de l'oppression par l'argent ne me semble pas préférable. L'obsession de s'enrichir... Il existe des banques maintenant. Ce sont, paraît-il, de petites forteresses situées au centre de certaines capitales, et qui, vues du dehors, ne se distinguent pas d'une maison normale.  Il est très curieux d'essayer de se les représenter. J'ai sans doute vu des banques sans le savoir... Mes parents étaient pauvres. Lorsque ma mère, sans une ombre d'acrimonie et mue par le seul souci de conserver vivants quelques-uns de ses enfants, se permettait de montrer à mon père le dénuement de notre famille, celui-ci qui était très pieux et nous chérissait, avait un sourire. Détournant les yeux de notre misère, il les élevait vers une lucarne et disait: 'La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement? Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment, ni ne moissonnent, ni n'amassent dans les greniers, et votre Père céleste les nourrit! Ne valez-vous pas, vous, beaucoup plus qu'eux? Et du vêtement pourquoi être en souci? Observez les lis des champs, comme ils croissent: ils ne peinent ni ne filent. Ma mère regardait, comme lui, vers la fenêtre sans carreaux. Elle souriait du même sourire..."

Chantal Thomas, Les Adieux à la Reine, Seuil, 2002.

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