Le Voyage d'Italie
"La femme de Pietraperzia portait sur
elle un tablier si rapiécé que les morceaux se chevauchaient,
impossibles à compter, et de toutes les couleurs; en sorte qu'il avait
pris le double d'épaisseur et paraissait la housse de l'âne.
Son
mari, qui le lui connaissait depuis le jour de leurs noces, n'en
pouvait plus de la voir y mettre sans cesse la main pour le rapiécer,
les morceaux n'étant jamais suffisants et le tablier s'en allant de
partout; et, le jour de la foire étant arrivé, il lui en acheta un
nouveau.
La femme en le voyant n'avait pas assez d'éloges, car il était à fleurs; et entre-temps elle se disait:
Quels beaux morceaux à découper là-dedans
pour mon vieux tablier usé, comme ça je pourrai me le mettre même quand
il y aura jour de fête.
Et s'étant armée d'une paire de ciseaux,
elle commença à y découper en tous sens des morceaux pour son vieux
tablier; et, le travail fini, elle le montra toute contente à son mari:
Regardez, mon mari, comme
mon tablier est si bien rapiécé qu'il a l'air flambant neuf."
Dominique Fernandez, Le Voyage d'Italie, Plon.
Merci Anne, pour ce clin d'oeil aux incrédules qui nous voient découper du
tissu tout neuf pour coudre ensemble les fragments et obtenir un tissu
qui n'est pas plus grand!