L'Elue -autre lecture
C'est très amusant: je retrouve les photocopies de l'Elue
qu'Anne m'avait envoyées pour dentelles d'encre, qui avaient attisé ma
curiosité et m'avaient donné l'envie de lire le roman. En les relisant,
après avoir partagé avec vous les passages que j'avais trouvés
particulièrement appropriés à la thématique de ce blogue, je découvre
une lecture tout autre!
Voici donc un passage retenu par Anne:
"Comme elle l'avait déjà souvent fait,
elle suivit des yeux et du bout des doigts, sur la Robe, la très riche
histoire du monde: le commencement - depuis longtemps restauré - avec
l'eau verte, les bêtes sombres sur le rivage et les chasseurs tachés de
sang. Plus loin, les villages avec leurs différents types d'habitation:
ici, la fumée montant des feux s'enroulait en volutes de très petits
points dans un sourd camaïeu de gris tirant sur le pourpre. Une chance
que ces motifs n'aient pas eu besoin de réparations, car Kira n'avait
aucun fil assorti. Les ancines fils à broder avaient sans doute été
teints avec du basilic, et Annabella lui avait dit à quel point cette
teinture était délicate et combien elle tachait les mains.
Puis
c'étaient, par pans entiers, des tourbillons de feu dans une gamme très
riche de jaunes, d'oranges, de rouges - tourbillons qui
réapparaissaient ici et là sur la Robe comme une sorte de leitmotiv de
la Catastrophe. Sur ce fond de motifs compliqués où couraient les fils
éclatants du feu destructeur, Kira distingua des figures humaines: une
population décimée dont les minuscules villages avaient été réduits en
poussière; plus loin, il y avait des villes splendides, infiniment plus
vastes qui avaient été elles aussi incendiées et anéanties à jamais par
le feu. En quelques endroits de la Robe, on avait un sentiment de fin
du monde. Et pourtant, il émergeait toujours, à proximité, d'autres
civilisations; le monde repoussait; d'autres peuples apparaissaient."
Lois Lowry, L'Elue, Gallimard jeunesse
Merci Anne pour cette contribution!