'La chanson de ma cousine Mariette'
La chanson de ma cousine Mariette
Je vois aller la Fabrique
Rien ne me rend plus content
Tous les gens de la boutique
Tournent devant très souvent
Je puis rimer sans rien craindre
Puisqu'en ces heureux moments
Mes cartons et mon cylindre
Tout ça tourne,
Tout ça tourne,
Tout ça tourne en même temps.
Mais voilà que la canette,
En sautant sur un arquet,
A fait tomber ma navette
Et brisé mon agnolet.
Puis cette trame est si fine
Qu'à chaque coup de battant,
Le cordon, la cordeline,
Tout ça casse,
Tout ça casse,
Tout ça casse en même temps.
On sait qu'il ne faut médire,
Quand on parle du prochain,
Mais un canut peut bien dire
Que son marchand est un chien
Le commis a la balance
Gagne ses appointements;
Le patron biffe l'avance,
Tout ça triche,
Tout ça triche,
Tout ça triche en même temps.
Le teinturier fait des siennes
Et des soies double le poids.
Quand vous remondez les chaînes,
Tout vous reste dans les doigts.
La nuit ça fait des belues
Qui brillent en pétillant,
Les entorses, les tenues,
Tout ça craque,
Tout ça craque,
Tout ça craque en même temps.
Que de bruit, que de tapage.
Je ne sais plus où j'en suis.
Chacun gronde à son ouvrage :
Tout ce train-là m'étourdit.
L'apprenti, la canetière,
Ma femme avec ses enfants,
Notre marchand, l'ouvrière,
Tout çacrie,
Tout ça crie,
Tout cà crie en même temps.
Pour achever la misère,
Plusieurs mauvaises saisons
Font que la vie est trop chère
Pour nos petites façons.
Je vois ma tâche finie
Sans regretter mon printemps,
L'ennui, le plaisir, la vie,
Tout ça file,
Tout ça file,
Tout ça file en même temps.
Clair Tisseur, dit Nizier du Puitspelu (1827-1895)
Sauvé aussi du Conservatoire des Vieux Métiers Textiles, avant sa fermeture.