Monsieur Garance
"'On devrait fabriquer des vêtements, dit Charlène, comme elles traversaient le rayon mercerie du grand magasin.
- J'adore ce mot, dit Trudy.
- Ce monde ? dit Charlène d'un ton dubitatif.
- Non. Ce mot. Mercerie.
-
On pourrait s´acheter une machine à coudre à deux, dit Charlène, et
aussi des canettes et des patrons et passer d´agréables soirées d´hiver
à faire de la couture ensemble. Peut-être à la douce lumière de belles
lampes à pétrole. On serait assises dans le rond de lumière dorée des
belles lampes à pétrole et nos aiguilles d´argent étincelleraient
tandis que nos têtes seraient penchées sur un ouvrage simple mais
néanmoins honnête.'
Mais
Trudy regardait les rouleaux de tissu, les innombrables étagères
chargées de toutes sortes d´étoffes. ' Mon dieu ! s´exclama-t-elle,
c´est très impressionnant. Batiste, calicot, coutil, cretonne, finette,
grain de poivre, linon, madapolam, organdi, oxford, percale, pilou,
plumetis, vichy, zéphyr, zénana ! Et ce ne sont que les cotonnades !
Ensuite il y a les lainages : crêpe, cheviotte, étamine...'
Le
haut-parleur émit soudain un sifflement et une voix désincarnée
annonça : 'Monsieur Garance est prié de se présenter au rayon
mercerie. Monsieur Garance, merci.'
Charlène se mit à paniquer 'tu sais ce que cela veut dire n´est-ce pas ? dit-elle à Trudy.
- Non. Ca veut dire quoi ?
- C´est le code pour les incendies. Ca veut dire qu´il y a leu feu au rayon mercerie' [...]"
Kate Atkinson, 'Charlène et Trudy font du shopping', C'est pas la fin du monde. trad. Isabelle Carron.
Merci, Myriam, pour cette contribution -
Quand la littérature vous régale, c'est sur délices de papier...