Barthes et le tricot
Jacqueline
nous propose cette lecture précieuse d'un homme qui parle littérature, dentelle et
tricot comme personne, d'un tricot structuraliste, dénoté à l'endroit ,
connoté à l'envers...
Il s'agit d'une interview de Roland Barthes sur la paresse accordée à
Christne Eff, journal Le Monde 16-17 septembre 1979, notre grand homme se
demande à l'instar de Flaubert: "A quoi voulez-vous que je me repose" ?
" Je n'ai jamais beaucoup aimé le sport, et maintenant, de toutes
manières, j'en aurais passé l'âge. Alors que voulez-vous que quelqu'un comme moi
fasse s'il décide de ne rien faire?
Lire ? Mais c'est mon travail. Ecrire? Encore plus. C'est pour cela que
j'aimais bien la peinture. C'est une activité absolument gratuite, corporelle,
esthétique, malgré tout et en même temps un vrai repos, une vraie paresse parce
que n'étant rien de plus qu'un amateur je n'y investissais aucune espèce de
narcissisme. Cela m'était égal de faire bien ou mal.
Quoi d'autre ? Rousseau
en Suisse, vers la fin de sa vie, faisait de la dentelle.
On pourrait sans trop d'ironie poser le problème du tricot. Tricoter
c'est le geste même d'une certaine paressse, sauf si l'on est rattrapé par le
désir de finir l'ouvrage.
Mais les conventions interdisent aux hommes de tricoter. Cela n'a
pas toujours été. Il y a cent cinquante ans, cent ans peut-être, les hommes
faisaient couramment de la tapisserie. Maintenant ce n'est plus
possible.
Le tricot, voilà l'exemple d'une activité manuelle, minimale, gratuite,
sans finalité, mais qui représente tout de même une belle paresse, une paresse
bien réussie...."
Jacqueline de commenter, non sans une pointe d'ironie: "Bon c'est ce qui arrive quand on parle de sujets qu'on connaît mal... il
doit confondre un peu tout : tricot, canevas et vraie tapisserie... Dommage qu'il
soit mort avant la vogue des loisirs créatifs..."
Evidemment,
je suis d'accord pour me moquer de quelqu'un qui pense qu'on tricote
sans vraiment avoir envie de terminer l'ouvrage (ne serait-ce que pour
en commencer un autre sans trop culpabiliser!!!), simplement pour tuer
le temps à la pointe de nos aiguilles et qui n'a l'air de n'avoir jamais tricoté (ou vu tricoter) qu'une écharpe au point mousse - et en même temps, ma folle
passion pour le tissage en ce moment, c'est exactement ça - le plaisir
d'une temporalité autre qui n'est pas celle de la productivité, ni de
la rentabilité - car faire soi-même un collier, ça n'est pas à
proprement parler "rentable", un peu comme uns éance de yoga, une
activité dans laquelle ne mettre aucun narcissisme, du pur plaisir...
Et ce serait désormais interdit aux hommes? Je n'y crois pas trop...
Merci Jacqueline
pour cette contribution qui vient nourrir le débat sur la guerre des
sexes et la dentelle, un éclairage qui change de celui du divin marquis!