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dentelles d'encre / Ink Lace
10 avril 2006

Orlando

zoommaignan01

Orlando, riche et jeune aristocrate de la Renaissance, a connu des déboires sentimentaux; il donc de vivre reclus dans sa demeure, qu'il meuble d'un tas d'objets précieux venus de toute l'Europe. La Reine Elizabeth 1ère est au pouvoir, et les châteaux sont parcourus de courants d'air...

"All now was ready; and when it was evening and the innumerable silver sconces were lit and the light airs which for ever moved about the galleries stirred the blue and green arras, so that it looked as if the huntsmen were riding and Daphne were flying; when the silver shone and lacquer glowed and wood kindled; when the carved chairs held their arms out and dolphins swam upon the walls with mermaids on their backs; when all this and much more than all this was complete and to his liking, Orlando walked through the house with his elk hounds following and felt content. He had matter now, he thought, to fill out his peroration. "

[Tout était prêt, désormais; et lorsque venait le soir et que les innombrables bobèches étaient allumées et que les brises légères qui sempiternellement se glissaient dans les galeries faisaient frémir la tapisserie d'Arras verte et bleue, si bien qu'il semblait que les chasseurs chevauchaient et que Daphne s'envolait; lorsque l'argenterie rutilait, que les laques étincelaient et que le bois s'embrasait; lorsque les chaises sculptées semblaient tendre les bras tandis que les dauphins nageaient le long des murs, emportant des sirènes sur leur dos; lorsque tout cela et plus encore fut achevé et à son goût, Orlando traversa la maison suivi de ses lévriers, content. Il y avait, pensa-t-il,  maintenant matière à remplir sa péroraison.]

Au chapitre 6, Orlando, devenu une jeune femme (et oui, c'est comme ça, un beau matin, Orlando le séducteur de ces dames, toutes classes sociales confondues, se réveille dans le corps et l'esprit d'une femme. Saura-t-il s'y faire?), retrouve la tapisserie d'Arras qui orne la Chambre de l'Ambassadeur et qui lui rappelle peut-être que les hommes aussi bien que les femmes jouent leur rôle dans la grande course de la séduction...

"It was frail as a shell, as iridescent and as empty. No Ambassador would ever sleep there again. Ah, but she knew where the heart of the house still beat. Gently opening a door, she stood on the threshold so that (as she fancied) the room could not see her and watched the tapestry rising and falling on the eternal faint breeze which never failed to move it. Still the hunter rode; still Daphne flew."

[La pièce était aussi fragile qu'une coquille, aussi diaprée et vide. Aucun Ambassadeur n'y dormirait plus. Ah, mais elle savait où le coeur de la maison continuait de battre. Après avoir doucement ouvert la porte, elle demeura sur le seuil si bien que (selon son imagination) la pièce ne pouvait la voir et contempla la tapisserie qui se soulevait avant de retomber au gré de l'éternelle bise à peine perceptible qui ne manquait jamais de l'animer. Les chasseurs continuaient leur chevauchée; Daphné continuait de s'envoler.]   

Virginia Woolf, Orlando, 1928.

Comme dans la nouvelle de Poe, une tapisserie s'anime, mais c'est le battement à peine peceptible de la poésie du lieu, de la survivance de l'art et non la déchirure de la normalité par l'inexplicable...

Sur la légende de Daphne, où un homme se travestit pour séduire celle qu'il désire, ici.

Merci à toutes nos contributrices & lectrices pour ce bout de chemin thématique fait en votre compagnie! Merci aussi pour vos commentaires qui font de dentelles un lieu d'échange. C'est grâce à vous que ce blogue vit sa vie et que s'esquisse sa personnalité...

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Commentaires
L
C'est très intéressant!
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